Sony a 70 ans. Et Fillion 60…

Tokyo Tsushin Kogyo, l’ancêtre de Sony a été fondée il y a 70 ans, en 1946 par Akio Morita et Masaru Ibuka. La Presse+ a raconté son histoire. Nous la partageons avec vous.

Tokyo Tsushin Kogyo, la petite entreprise de réparation de radios s’était peu à peu spécialisée dans la fabrication d’enregistreurs à bande magnétique à usage professionnel. Lors d’une visite exploratoire aux États-Unis en 1952, Masaru Ibuka apprend que Western Electric vend des licences pour ses brevets de transistors. Une idée lui vient : fabriquer des transistors lui-même ! Voilà comment occuper l’armée d’ingénieurs et de spécialistes que son entreprise avait engagés pour la mise au point de ses enregistreurs, dont la technologie est maintenant bien maîtrisée. L’année suivante, Akio Morita se rend à son tour aux États-Unis pour acquérir la licence. Il revient avec le contrat et une question : quel produit fabriquer avec ces transistors ? Western Electric suggère des aides auditives. La réplique d’Ibuka : des radios !

Le premier transistor japonais

C’était un parallélépipède adouci en plastique d’un vert sauge un peu fade, muni d’un gros bouton plat.

L’appareil portait un nom qui n’inspirait aucun sentiment de modernité – Pulsar, Galaxy ou Quasar, par exemple : TR55. Mais il était portable, approximativement de la taille et de l’épaisseur d’un livre de poche substantiel – disons Guerre et Paix tome 1 –, au moins quatre fois plus petit et léger que les encombrantes radios portatives traditionnelles. Il fonctionnait à piles, et les jeunes allaient bientôt pouvoir écouter à l’abri des oreilles inquisitrices des parents les chansons d’un artiste très prometteur, lui aussi : Elvis Presley.

Bref, le 7 août 1955, Tokyo Tsushin Kogyo (Tokyo Telecommunications Engineering), Totsuko en forme contractée, lançait sur le marché japonais sa première radio transistor. Le Japon – et bientôt le monde à sa suite – entrait dans l’ère de la consommation électronique miniaturisée.

La plus petite radio du monde

Totsuko pouvait faire mieux. Le modèle suivant, la Sony TR63, est la plus petite radio du monde : 25 mm en largeur et 5 mm en hauteur de moins que la Regency TR1.



Totsuko la décrit comme le premier appareil suffisamment petit pour être glissé en poche – « pocketable », disent-ils –, ce qui est quelque peu exagéré. L’appareil est certes petit, mais insuffisamment pour entrer dans une poche de chemise normale. Pour contourner le problème, Morita fait confectionner pour ses vendeurs des chemises aux poches pectorales légèrement surdimensionnées. Première radio de Totsuko à être exportée, la TR63 arrive aux États-Unis en décembre 1957 au prix de 39,95 $, soit 340 $US aujourd’hui. Son succès amène Toshiba et Sharp à s’intéresser à leur tour au marché américain. En 1959, plus de 6 millions de radios transistors de marque japonaise sont vendues aux États-Unis. Mais déjà, en 1958, Totsuko avait adopté le nom porté par sa première radio. Sony.

Le 7 août 1955, il y a 61 ans (un an avant que Louis Fillion ne se lance dans la réparation de télévisions), Sony lance sa première radio transistor

Chaque semaine de l’été, La Presse+ revient sur un événement qui a marqué la petite ou la grande histoire économique durant la belle saison.

Tokyo Tsushin Kogyo est la première entreprise à vendre une radio transistor entièrement conçue et fabriquée par ses soins. Elle allait bientôt se faire une petite réputation sous le nom de Sony.

La révolution transistor

Le mérite en revient d’abord au transistor. Contraction de l’expression « transfer resistor » (« résistance de transfert »), ce mot désigne un petit dispositif électronique mis au point en 1947 par trois chercheurs des Laboratoires Bell, John Bardeen, William Shockley et Walter Brattain, ce qui leur a valu le prix Nobel de physique neuf ans plus tard. Ce… euh, ce truc… ce bidule, enfin, ce schtroumpf-conducteur permettait de faire le travail d’amplification de signal électrique et de commutation beaucoup plus efficacement que le tube électronique à vide – couramment appelé « lampe » ou « ampoule » – utilisé jusqu’alors.

Il est plus petit, plus léger, plus durable, fonctionne sous faible tension et s’active presque instantanément.

En somme, le machin idéal pour des appareils portatifs. Reste à le fabriquer efficacement en série.

Les précurseurs

En 1954, le fabricant d’instruments de mesure Texas Instruments avait réussi à abaisser suffisamment le coût de production de ses transistors pour les utiliser dans des produits de consommation. Il fallait cependant le faire savoir. Afin de démontrer les possibilités du transistor, l’entreprise s’associe avec la firme Industrial Development Engineering Associates pour fabriquer un appareil sous la marque Regency : le TR1 sera la première radio transistor commercialisée.

L’appareil est mis sur le marché le 18 octobre 1954 et connaît un honnête succès : plus de 100 000 appareils sont vendus au prix substantiel de 49,95 $ (440 $US aujourd’hui), malgré de médiocres performances sonores. Ayant atteint son but, Texas Instrument s’en désintéresse.

En février 1955, le fabricant de produits électroniques Raytheon lance la seconde radio transistor, le modèle 8-TP-1. Un peu plus volumineux, mais avec un meilleur son, l’appareil s’attire des critiques élogieuses.

Cependant, un petit atelier japonais inconnu est aussi dans la course.

La création de Sony

En janvier 1955, l’entreprise assemble le prototype de sa première radio fonctionnelle, à laquelle on donne le joli nom de TR52. En mai, alors que l’appareil vient d’entrer en production, on s’aperçoit que la simple chaleur du soleil printanier fait tordre et décoller la grille recouvrant son boîtier. Il faut interrompre la fabrication. C’est l’autre modèle en cours d’étude, le TR55, qui aura l’honneur d’être le premier mis sur le marché japonais, le 7 août 1955. La troisième radio transistor de l’histoire pèse 560 g et fonctionne avec quatre piles AA. Pour une radio d’usage populaire, le nom Totsuko aurait peu de résonance auprès de la jeunesse occidentale qu’on savait devoir bientôt séduire. Ibuka et Morita se mettent en quête d’une marque qui sonne mieux. Ils songent à « sonus », « son » en latin. À l’époque, les jeunes gens brillants étaient appelés des « sunny boys ». En combinant les deux concepts, ils obtiennent Sony. La TR55 sera la première à l’afficher.

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